CARNET DE DOUTES
"Musées, cimetières !...
Identiques vraiment
dans leur sinistre coudoiement de corps
qui ne se connaissent pas."
Marinetti, Manifeste du futurisme.
Puisqu'il faut conclure, je désire souligner que l'oeuvre artistique traditionnelle aborigène, dans le cadre
actuel de sa représentation, constitue un objet "étranger" à notre vision du monde. Or, la force de
cet art est intrinsèque à l'homme et à son environnement. Poser une oeuvre, la proposer au
regards, c'est paradoxalement voler la vivacité de son témoignage, comme une prostituée
enlève tout le charme d'une conquête. Bâtardiser cette forme d'émotion au profit d'une
soi-disant logique pédagogique universalisante ne peut que renforcer les a-priori. S'efforcer de considérer
pour autrui un héritage lointain fond celui-ci dans un système représentatif trop matériel
pour le mysticisme de l'oeuvre et sa globalité. La représentation est beaucoup trop loin d'un l'objet si proche
de sa création...
Il est donc désormais nécessaire de repenser la représentation des arts indigènes et
primitifs en considérant non seulement le processus de réalisation, mais aussi son environnement humain
et géographique. L'identité de ces objets les éloignent de la forme pour les rapprocher d'une
culture tribale, si différente de la notre... C'est pourquoi vouloir intégrer cet art à une logique
représentative occidentale "classique" a autant de valeur que la vision d'animaux enfermés dans leur
cage, de pierres rapportées de la lune, ou de joyaux de l'art Khmer volés par Malraux.
De même, nous pouvons noter que la plupart des démarches représentatives ont pour
finalité de montrer des oeuvres dotées d'un attrait "exotique". Or, cette démarche limite la
fidélité d'un acte de témoignage d'une culture, et enferme l'exposition dans des idiomes
classiques que les visiteurs attendent de leur visite. Bref, une véritable vitrine qui ne procure pas les outils
pour aider à comprendre l'évolution de l'humanité, et ses enjeux. Face à notre tendance
restrictive permanente, il est actuellement important, plus que jamais, de ne pas savoir plus que de mal
connaître.
Certes, une découverte, une initiation peut être un vecteur d'initiative, mais parlons d'autres vecteurs.
Désormais, la télévision, le cinéma, la radiophonie, la photographie sont des outils de
compréhension par lesquels l'homme peut se représenter le monde d'une façon plus fidèle,
sans jouer des relations humaines. Le rêve tient dans cette démarche participative que représente le
voyage.
Encore faudrait-il que l'industrie du tourisme ne devienne ce moyen de transport grégaire qui transforme le voyage
en une exposition grandeur nature. Etre le personnage de son roman est un autre défi à relever...
Foret et citée
Désert et Culture